La DeFi et l’économie « réelle »

La décentralisation est au coeur de l’univers des cryptomonnaies. Un principe libertaire qui permet une réduction des prises de contrôle possibles et une meilleure sécurité, divisée pour mieux s’imposer. Cette philosophie est le terreau historique sur lequel se construit la technologie blockchain. C’est également le fonds de commerce de la Finance Décentralisée (DeFi) à l’heure actuelle. Ou plus exactement l’outil pouvant lui permettre d’échapper aux régulateurs.

Parfois les grands développements idéalistes peuvent se transformer en simples astuces pour tenter de contourner un problème. C’est visiblement le cas actuellement avec la DeFi et sa volonté pas toujours respectée de se présenter comme un environnement décentralisé. En effet, certains protocoles comme Synthetix, Balancer ou encore Aave posent de sérieux problèmes d’indépendance vis-à-vis d’équipes de développement qui ont du mal à lâcher les manettes. 

Mais le contrôle s’accompagne de comptes à rendre. Et dans le domaine, la Security and Exchanges Commission (SEC) américaine fait clairement figure de père Fouettard. Une donnée qui semble être un sérieux point de motivation pour les structures les plus récalcitrantes sur le sujet. Il suffit de voir comment les ICOs de fin 2017 sont encore en train de rendre des comptes à coups d’amendes à hauteur de centaines de milliers de dollars. 

La DeFi et l’économie « réelle »

Le principal protocole qui pourrait rapidement entrer dans le viseur de la SEC et des instances de régulation est sans aucun doute Synthetix. Son option de synthétisation des actifs boursiers pour leur permettre de passer la porte de la Finance Décentralisée est très intéressante, mais également très glissante. Car cela revient à mettre un pied dans l’économie réelle et à sortir de la bulle de la DeFi qui n’est pas que spéculative. Une sorte de Zone d’Autonomie Temporaire (TAZ) financière qui protège ses membres du fait de sa déconnexion de l’économie traditionnelle. 


compound-comp-bulle-speculative

Les instances de régulation comme la SEC aiment beaucoup faire éclater les bulles. Raison pour laquelle ces protocoles prennent actuellement les devants. Cela en tentant l’option de la décentralisation comme outil de dilution des responsabilités et d’impossibilité de trouver un responsable.

Une décentralisation en cours

De nombreux efforts sont faits pas les structures non centralisées de la DeFi pour augmenter la part de prise en main de la communauté sur leurs protocoles. Il suffit de voir le succès du liquidity mining qui est tout autant un moyen de faire rentrer de l’argent que de faire disparaître le contrôle. Une donnée mise en avant par la structure Balancer Labs dans le cadre du lancement de son jeton BAL. Car même si le Yield Farming en fait actuellement un outil de spéculation intensif, ils restent des jetons de gouvernance à destination d’un contrôle partagé de la communauté qui en détient. 

Mais pour aller plus loin, la Fondation Synthetix à but non lucratif vient d’annoncer cette semaine la dissolution de sa structure en trois Organisations Autonomes Décentralisées (DAO) distinctes. Un mouvement suivi par Aave qui vient d’initier la mise en place de son dernier jalon sur « le chemin vers une gouvernance décentralisée » avec la formule Aavenomics. Cela impliquant un système de gouvernance renforcé dans le but de « construire ce que (leur) communauté décide. »

Décentraliser pour disparaître des radars

Des changements qui peuvent être mis en relation directe avec la récente décision de la SEC et de la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) d’empêcher la société Abra de proposer des actions et des monnaies fiduciaires tokenisés dans le cadre de son offre de crypto-wallet avec une option d’échange de cryptomonnaies. Une offre qui ressemble énormément à celle de Synthetix

Cependant, les fondateurs des protocoles Synthetix et Aave affirment que leurs décisions ne sont en aucun cas motivées par cette affaire. Cela serait donc tout simplement un étrange et très opportun hasard de calendrier

« Sans donner de noms, l’univers de la DeFi est peuplé de violations [réglementaires] apparentes que les régulateurs n’ont tout simplement pas encore relevées. » – Preston Bryne, avocat spécialiste des cryptomonnaies 

Stani Kulechov, fondateur du protocole Aave explique tout de même être en train de travailler activement à augmenter ses ressources juridiques et à s’assurer que le protocole soit suffisamment décentralisé. Ce dernier voyant dans cette option un élément « imparable » pour échapper aux poursuites éventuelles des régulateurs

La DeFi n’aurait donc pas uniquement des similitudes avec la bulle des ICO du fait de la spéculation qui s’est emparée de son univers. Cela pourrait également se retrouver dans les comptes qu’elle aura à rendre d’ici quelques années, du fait des multiples infractions qu’elle est en train de commettre au regard des régulateurs financiers. Rendez-vous dans quelques années…

What's your reaction?

Leave a comment

Minimum 4 characters